Les lectures de rentrée de Yagg

Prince CharmantE, de Claire Bénard, La Boîte à Pandore, 422 p., 17,90 €. Certaines histoires vraies semblent tout droit sorties de romans. C’est le cas de celle de Claire Bénard, qui a donc naturellement posé sa vie sur papier. Claire, alias Zélie dans son livre, est «trentenaire, petite bourgeoise, belle éducation, catholique, fille à cheveux longs, grande maison, un Homme pour la vie répondant à 80% des critères d’éligibilité au casting de prince, de chouettes enfants, un bon boulot « à la télé », un peu de droite mais pas trop, un peu de gauche mais pas assez, légèrement homophobe aux entournures». Jusqu’à ce qu’elle rencontre Alice (dans le livre et dans la vie), batteuse d’un groupe de rock. Un vrai. Anatomie Bousculaire – comment résister… –, Claire/Zélie a fait basculer toute sa vie. Mais attention, même s’il est plein d’amour, Prince CharmantE n’est pas un roman à l’eau de rose. Il se passe près de 150 pages avant la rencontre proprement dite. Parce que pour bien comprendre le coup de foudre et ses conséquences, il faut d’abord connaître Zélie, son enfance, ses copains pédés, son Homme, les enfants… Tout n’est pas passionnant mais tout est justifié. C’est aussi ce contexte qui permet de saisir l’énormité du changement pour cette femme à l’hétérosexualité presque banale qui se trouve, du jour au lendemain, confrontée à l’homophobie ordinaire de la vie quotidienne. Par chance, l’amour semble plus fort. Judith Silberfeld

Annabel, de Kathleen Winter, Éditions Christian Bourgois, 464 p., 20€. A la naissance de leur enfant, Treadway et Jacinta ne tardent pas à se rendre compte que celui-ci est différent des autres nourrissons. Un rapide examen médical et le couperet tombe comme une sentence: le bébé est hermaphrodite. Dans le Labrador des années 70, la solution à ce «problème» tient en un seul mot: opération. L’enfant est désormais un garçon, et il sera élevé comme tel. Ainsi se déroulera l’enfance de Wayne, tiraillé entre un père aimant, mais taciturne et décidé à faire de son enfant un vrai fils, un homme, et une mère consciente de son étrange singularité et intimement persuadée que l’opération était une mauvaise idée. Oui, Wayne n’est pas un garçon. Ni même une fille, d’ailleurs. Wayne est plus que ça. Décidés à garder secrète l’anomalie de leur enfant, les parents mettront dans la confidence, Thomasina, une amie proche, qui se révélera pour Wayne une alliée précieuse lorsqu’il apprendra finalement la vérité. Car Wayne grandit, et avec lui, la sensation d’un autre être enfermé au plus profond de sa chair… Annabel est une fiction qui plonge au cœur du Canada des années 70 et aux côtés d’un enfant, puis d’un jeune homme se sachant différent des autres, cherchant sa place dans une société où il n’existe pas de place quand on ne se sent ni vraiment homme, ni vraiment femme. Un récit émouvant et troublant, mais surtout d’une subtile mélancolie autour du genre. Maëlle Le Corre

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