« Orlando », le personnage de Virginia Woolf, dynamité dans une pièce qui joue avec les genres

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Le collectif GWEN propose, dans le cadre intime du Théâtre de la Croisée des chemins, à Paris, une vision revue et corrigée du Orlando de la romancière britannique Virginia Wolf.

Lucie Brandsma, Thomas Harel et Sébastien Dalloni, dans « Orlando »
Lucie Brandsma, Thomas Harel et Sébastien Dalloni, dans « Orlando », au Théâtre de la croisée des chemins, à Paris - DR

Avec un anneau et un drap tour à tour accessoire, silhouette, décor ou costume, le trio de comédien.ne.s met des paillettes dans la vie du personnage « transgenre » élisabéthain. Une pièce née de la force du propos du texte original comme l’explique à Komitid, Thomas Harel, l’un des membres du collectif : « C’est en lisant la version scénique d’Orlando par Bob Wilson que Sébastien Dalloni a eu un coup de cœur. Il découvrait un texte d’une richesse et d’une folie incroyables. En se plongeant dans le roman, on se rend compte qu’on ne connait pas Virginia Woolf : sa propension au baroque et au comique y est irrésistible, tout en délivrant de magnifiques passages d’une grande poésie colorée. Quand Sébastien nous a proposé ce texte à Lucie Brandsma et à moi, l’idée était de faire un travail commun. Assez naturellement, nous avons chacun pris en charge une partie du roman, en proposant aux deux autres un travail de découpage du texte, d’interprétation et de dramaturgie ».

Conteurs pseudo-biographes

Ainsi, chacun.e de ses conteurs pseudo-biographes ajoute sa propre vision du personnage dans cette pièce qui mélange les genres : du burlesque au camp en passant par des moments plus intimes ou plus poétiques. Sans oublier un humour détonnant qui injecte une réelle modernité : une parodie lumineuse de Star Wars, un délire sur les tutos beauté ou encore la vulgarité bling-bling des shows télé, tout y passe avec un but : décrypter les injonctions du masculin, du féminin.

« Très vite, nous nous sommes posé·e·s la question de notre légitimité », ajoute Thomas Harel. « En quoi nous, acteur·trice·s cisgenres sensibles à la cause LGBTQIA+, avons notre mot à dire sur ce personnage immortel et transgenre ? Orlando a en fait réveillé notre questionnement sur les carcans du genre : comment sortir de la norme patriarcale ? C’est pour cette raison que nous avons ajouté au texte original des inserts personnels, qu’ils prennent la forme de talkshow à l’américaine, de voix-off ou tout simplement de confessions. Ce que nous voulons faire entendre, c’est la modernité et l’avant-gardisme de cette autrice. Nous nous sommes efforcé·e·s de lier tous nos questionnements à l’histoire ».

« En quoi nous, acteur·trice·s cisgenres sensibles à la cause LGBTQIA+, avons notre mot à dire sur ce personnage immortel et transgenre ?

La modernité, l’humour, une mise en scène inventive, de belles images projetées et une B.O. digne d’un film de Yann Gonzalez, tout concourt à rendre cette pièce belle, ludique, touchante et intelligente. Le trio a même l’envie de mettre son talent au service de l’éducation, de la pédagogie : « Outre notre envie de continuer à jouer ce spectacle en salle, notre objectif serait d’emmener cette pièce à la rencontre des scolaires, collèges et lycées, afin de lancer un débat sur la question du genre ». Qui a peur de Virginia Wolf ? Pas le collectif GWEN !

Orlando, d’après Virginia Woolf par le collectif GWEN.
Mise en scène et interprétation : Lucie Brandsma, Sébastien Dalloni et Thomas Harel
Au Théâtre de la croisée des chemins, 43, rue Mathurin Régnier, 75014 Paris.  Jusqu’au 31 octobre 2019, les mercredi et jeudi à 21h.