« P. Mon adolescence trans » de Fumettibrutti, un roman graphique poignant sur la transidentité

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« L’adolescence, le seul temps où l’on apprend quelque chose » disait Marcel Proust. Pour la bédéiste Josephine Yole Signorelli alias Fumettibrutti, l’adolescence est avant tout le temps de la métamorphose. Dans son roman graphique, qui vient d’être publié en France par Massot Editions, elle revient sur son parcours d’adolescente trans dans un récit autobiographique.

P. on adolescence trans - Fumettibrutti
Couverture "P. Mon adolescence très" de Fumettibrutti

Avec des dessins crus et monochromes, Fummettibrutti parvient à raconter avec force une adolescence difficile, marquée par la violence. La violence des regards posés sur un corps qui n’est pas le sien, la violence des mots sur une identité qu’elle n’assume pas encore.

Dans cet âge, à mi-chemin entre l’enfance et le monde des adultes, où chacun se cherche sans forcément se trouver, elle souffre. Elle souffre à cause de son corps qui la met mal à l’aise, elle souffre à cause des garçons qui la traite « comme un objet », elle souffre à cause de cette société qu’elle juge étriquée et conformiste.

Les dessins épurés racontent avec exactitude la double dimension de l’adolescence de P. (le diminutif utilisé par Fumettibrutti pour se désigner dans sa bande-dessinée). D’un côté, elle est ordinaire car organisée autour des cours au lycée, des sorties entre ami·e·s et du temps passé à dessiner dans sa chambre. De l’autre, elle est brutale car marquée par des relations amoureuses dérangeantes, accompagnées de rapports sexuels violents.

Planche extraite de « P. Mon adolescence trans »

Planche extraite de « P. Mon adolescence trans »

Au fil des pages, on voit P avancer, s’interroger, se tromper, revenir en arrière puis finalement continuer. De la difficile acceptation de soi jusqu’à la prise des premières hormones en passant par l’épreuve du coming out, le lecteur ou la lectrice suit le parcours douloureux et libérateur que constitue l’adolescence trans.

« A 15 ans, on a tout le temps pour soi », pense P. C’est vrai. Mais lorsqu’on est une adolescente trans comme elle, ce temps est largement consacré à l’incertitude, à la peur et au dénigrement de soi.

Il n’y a pas de doute, l’adolescence de P. est singulière, tout autant que sa personnalité. Mais en lisant P. Mon adolescence trans, nous parvenons à toucher du doigt ce qui constitue l’essence de toute adolescence, le changement.

Dans le cas de P., le changement est une transition. Une transition physique mais aussi mentale puisqu’elle finit par comprendre que femme, elle l’est déjà. Elle n’a ni besoin que les autres ne le pensent ni qu’ils ne le voient. C’est ce qu’elle est, profondément, absolument, intimement. Et cela depuis toujours.

Marcel Proust avait donc raison, on apprend bien quelque chose à l’adolescence.

« P. Mon adolescence trans », de Fumettibrutti, traduit de l’italien par Laurent Lombard, Massot éditions, 208 p., 19,90 €