«Le droit au blasphème», par Daniel Borrillo
Après l'attentat contre «Charlie Hebdo», le juriste Daniel Borrillo s'inquiète de ce que «Diderot, Nietzche ou Marx pourraient être poursuivis en justice s’ils disaient aujourd’hui, à propos de la religion, qu’il s’agit de ”l’aveuglement de l’humanité», de “l’anémie de la volonté” et de “l’opium des peuples”».
Dans un article publié par Le Monde le 16 mai 2005, je m’inquiétais du combat judiciaire livré par les groupes religieux contre la liberté d’expression. Les tragiques événements récents me font reprendre ma plume pour rappeler ce que j’avais dénoncé déjà il y a dix ans. La situation est d’autant plus grave qu’au nom de la lutte contre les discriminations, les tribunaux reprennent souvent l’interprétation détournée que les groupes religieux font de la norme juridique. Ainsi, l’islamophobie ou la christianophobie sont utilisées pour faire taire toute critique à l’égard des idéologies dogmatiques. Diderot, Nietzche ou Marx pourraient être poursuivis en justice s’ils disaient aujourd’hui, à propos de la religion, qu’il s’agit de « l’aveuglement de l’humanité », de « l’anémie de la volonté » et de « l’opium des peuples ». Le dispositif de protection contre les discriminations fut créé pour protéger les personnes appartenant à des groupes minoritaires contre les actes matériels et les discours…
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