« On a complètement changé les paradigmes » : comment les acteurs de prévention s'organisent pour réduire les risques face au chemsex

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La consommation de drogues en contexte sexuel (chemsex) est une pratique qui touche particulièrement les hommes gays et bisexuels. Les données manquent, mais on compte les morts. Entre témoignages de concernés et d'intervenants sur le terrain, enquête sur les leviers pour réduire les risques.

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« Il faut apprendre aux gens à consommer proprement et mieux ». À 21 ans, Joshua* défend un discours peu commun lorsqu’on entend parler de chemsex. Exit les discours alarmistes et anxiogènes qui ne font selon lui, qu'accroître deux choses : la culpabilité et le silence. Il faut dire que ce jeune gay francilien revient de loin : entré dans la pratique du chemsex à 17 ans, il lui a fallu une volonté de fer et une bonne dose de réflexion face à lui-même pour sortir du schéma d’addiction dans lequel il s’était enfermé. « C’était pendant une partouze,  j’étais chez des mecs qui s’injectaient, ils m’ont proposé », se souvient-il pour Komitid. Très vite, coucher avec des mecs sans drogue ne l’a plus attiré. « Je cherchais toujours la drogue, je suis tombé pas mal dedans pendant un an, je consommais tous les week-ends, je baisais avec n’importe qui tant qu’il y avait du produit avec ». Joshua pratiquait le slam, à savoir le fait de se droguer par injection. « Tu éprouves une telle sensation de bien être que tu recherches le même flash, c’est là où tu t’enfonces, lorsque tu ritualises l'usage de produits. »

Absences au boulot, perte de sa vie sociale, dépression… le rituel s'est payé au prix fort pour Joshua. « Je me renfermais sur moi même, j’en parlais vite fait à mes potes mais je ne m’éternisais pas là dessus, c’est quelque chose qui est encore très difficile à partager. Je n’avais pas envie de passer pour un drogué », analyse-t-il. Pourtant sa pratique était devenue vraiment dangereuse pour sa santé, il additionnait des plans chemsex pendant 48 heures sans boire ni manger ni dormir. « Une fois j’ai fais ça pendant cinq jours sans dormir, je me suis tapé plus de mecs qu’un arrondissement ». Arrêt de travail de six mois jumelé à une grosse dépression, Joshua s'est tourné vers des professionnel.le.s de santé communautaire de l'association Aides. Assez pour le « remettre sur le droit chemin », pour reprendre les mots de celui qui affirme aujourd’hui pouvoir « coucher sans drogues » mais qui s'autorise quand même de consommer « une fois par mois, à la limite ».

« Une pratique sexuelle extrêmement ritualisée »

Parmi les produits les plus utilisés dans le chemsex, on retrouve le GHB, le GBL, les cathinones, la kétamine ou encore la MDMA et la cocaïne, pour ne citer qu'eux. Des substances qui peuvent aussi bien être consommées en snif (par le nez), en parachute à gober (la poudre est mise dans une feuille de papier à rouler puis avalée), en fumant, en plug (directement par le rectum) ou encore en injection (le slam). « C’est une pratique sexuelle extrêmement ritualisée et qui répond à des schémas très structurés : on achète un certain type de drogue qu’on consomme dans certains contextes », explique Fred Bladou, addictologue communautaire, en charge des Nouvelles stratégies de santé au sein de l’association de lutte contre le sida Aides. Pour cet acteur connu et reconnu dans le champ de la prévention en santé communautaire, le fait que l’on parle du chemsex comme un phénomène nouveau provient surtout des produits qui sont aujourd’hui sur le marché : « On est sur des nouvelles classes de drogue : l’apparition des cathinones, les nouvelles drogues de synthèse… Des produits hyperstimulants, empathogènes (envie d’être proche des gens, ndlr) et entactogènes (envie et besoin de toucher les gens, ndlr) qui entraînent une désinhibition ».

« La presse généraliste s’est jetée sur le sujet pour faire des articles racoleurs et sensationnalistes »

En partouze, en duo avec un simple plan cul, le chemsex se pratique occasionnellement pour certains, quand cela peut durer des jours et nuits entières pour d’autres. Très difficile d’avoir des données sur la proportion d'hommes gays et bisexuels qui pratiquent le chemsex, seul un sondage réalisée par l’application de rencontres Hornet et publié l’année dernière nous offre un petit aperçu. À prendre avec des pincettes car l’enquête ne s’appuyait pas sur un échantillon représentatif, mais tout de même, près de 4 000 hommes gays et bis ont répondu. Sur 3 736 réponses, 25 % (965) ont affirmé avoir pratiqué des plans chemsex au cours des douze derniers mois. Dans le détail, 30 % d’entre eux ont entre 36 et 45 ans, 20 % ont entre 18 et 24 ans.

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  • arnosa

    bel article (enfin!): bravo.
    reste a savoir pourquoi nous sur consommons: mal etre? l’usage est liè au sexe, mais anhile toute capacite sexuelle…